Guidé par la crainte de voir les précieuses morilles convoitées par d’autres, je me suis aventuré par le passé à cueillir de jeunes spécimens. Cette réaction instinctive, compréhensible sans une conscience de l’impact à long terme, m’a mené à constater une régression nette des morilles et une stagnation des spots sur la zone.

La leçon apprise : les récoltes s’améliorent avec le temps

Après avoir planché sur le sujet, et avec l’aide d’un chercheur de haut niveau, j’ai réussi à faire le lien entre la conséquence (diminution des morilles sur mes places) et la cause (coupe trop jeune). Depuis maintenant plusieurs années, je les laisse grandir à chaque endroit quitte à me les faire piquer. Les résultats semblent confirmer ma thèse puisque les places diminuées ont l’aire de se refaire. Je commence même à trouver des morilles aux alentours de ces spots.
En outre, même si effectivement il m’arrive de me faire chiper quelques champignons, je constate que la somme de mes pesées est largement plus élevée maintenant qu’il y a quelques années.

En fait, la clé de la réussite réside dans le respect de son cycle de vie. La tentation de récolter de jeunes morilles peut être forte, mais il est essentiel de comprendre l’impact négatif de cette pratique. Cueillir des morilles trop jeunes non seulement diminue les chances de récoltes futures sur le même spot, mais compromet aussi leur potentiel de croissance. Les mycologues et les cueilleurs expérimentés s’accordent à dire que pour une récolte fructueuse, il faut permettre aux morilles de parvenir à maturité. Cela signifie résister à la cueillette précoce et attendre que les morilles atteignent leur taille adulte, identifiable par une couleur plus foncée et des alvéoles bien ouvertes.

A gauche des morilles un 13 mars et à droite, les mêmes le 23 mars. La taille a presque doublée !

2 vidéos dans lesquelles j’explique l’importance de les laisser grandir

Quel est le meilleur moment pour trouver des morilles ?

C’est au printemps que la chasse est la plus fructueuse. Dès les premiers signes annonciateurs du printemps jusqu’à son déclin, les morilles font leur apparition. Mais pour déterminer le moment idéal de leur cueillette, il faut affiner notre regard et notre compréhension

La période de cueillette dépend de plusieurs paramètres !

Le type de morilles

La période propice à la cueillette des morilles varie selon le type de morille recherché. La distinction est cruciale : les morilles coniques et les morilles communes émergent à des moments différents, dictant ainsi le calendrier du cueilleur averti.

La morille conique : une quête tempérée par les degrés

La cueillette des morilles coniques, est régie par des indices que la nature nous fournit avec subtilité. Une vieille règle issue de nos anciens suggère d’additionner chaque jour les températures maximales accumulées à partir du premier février, avec un seuil magique autour de 180 degrés comme indicateur pour l’apparition des premières morilles (voir les détails dans cet article). Cette méthode, validée par des années de données, révèle que bien que la température soit un bon indicateur, la patience est cruciale. Les morilles coniques ne sont pas prêtes à être récoltées dès leur émergence; elles nécessitent une accumulation supplémentaire de chaleur pour mûrir pleinement. Ainsi, il est conseillé d’attendre que les températures dépassent largement ce seuil avant de se lancer dans la récolte.

De ce tableau, j’en déduis qu’on commence à avoir des morilles coniques ramassables aux alentours des 450 degrés. A ce moment, je réalise ma première récolte avec quelques champignons les plus grands.
Quand la somme des températures maximums atteint 550 degrés, il n’y a plus de souci, on est sûr et certains qu’on est en plein dans le pic de la pousse. C’est à ce moment que notre patience porte ses fruits avec de belles récoltes de grandes morilles. C’est aussi à ce moment qu’il est bon d’aller prospecter. Effectivement, les morilles à taille adultes sont plus simples à repérer. Et ensuite, vous êtes certains ou presque que si les morilles sont toujours là, c’est que le spot n’est pas connu !

La patiente paie toujours !

Si tu n’as pas envie de te prendre la tête avec des calculs ou si vous habitez pas très loin de l’endroit où vous trouvez vos morilles coniques, pas besoin de réfléchir plus loin que le bout de son nez. Lorsque vous allez au travail, au magasin, ailleurs… Repérez ce qu’il se passe dans vos forêts ou champs…

La morille conique sortira de terre dès que les prémices du printemps seront visibles. Ça correspond à la floraison des perce-neiges et des crocus. Elle aura atteint une taille raisonnable lorsque les primevères et les jonquilles sauvages seront en fleurs ou bien quand les colzas font à peu près 25 cm de haut.
Ce sont généralement des indicateurs corrects.

La morille commune : la nature comme seul guide

Pour les morilles communes, on ne peut pas se planter. L’indicateur principal est le débourrement des arbres. Dès que les noisetiers ou les charmes commencent à avoir leurs bourgeons qui éclatent alors c’est le début de la saison. Mais elles seront encore petites.
En fonction des températures attendez encore quelques jours.

Il existe d’autres indicateurs dont voici la liste : Floraison des jacinthes, du colza, de la ficaire, des anémones sauvages, des orchis mâles…

Quand le noisetier est comme ça, les morilles communes commencent par chez moi !

La météo et le climat

Le climat et la météo joue un rôle très important pour savoir quand chercher des morilles. Plus l’hiver se termine rapidement, plus la saison des morilles commence tôt.
Voici une carte des climats en France, plus le numéro est élevé plus vite les morilles apparaitront. Je dirais qu’entre la zone 8 et la zone 1, il y a en moyenne 2 bonnes semaines d’écart à altitude égale !

Un bon indicateur pour savoir si des gens trouvent des morilles dans votre zone climatique est de suivre les publications sur des groupes Facebook. Ou bien de suivre le Youtubeur qui explorent non loin de votre zone.

L’altitude aussi est cruciale

L’altitude joue un rôle capital dans la période de pousse des morilles ! En effet, il est possible d’avoir des écarts de plusieurs semaines pour un même type de morille en changeant radicalement d’altitude ! C’est un levier extrêmement puissant pour bien définir le moment de votre sortie.

Il est également essentiel de rappeler que le timing optimal pour la cueillette des morilles est également influencé par l’exposition du terrain. Les zones bénéficiant d’une exposition sud voient leurs morilles émerger plus rapidement que celles orientées au nord. Pour ceux qui souhaitent approfondir, l’impact de l’exposition sur la récolte des morilles est développé en détail dans un autre article de ce blog.

En conclusion…

La récolte des morilles, qu’elles soient coniques ou communes, est un exercice qui allie connaissance, patience et respect de la nature. Chaque sortie est une leçon, chaque saison un nouveau chapitre dans le livre de la mycologie. En suivant les principes évoqués ci-dessus et en se fiant à la fois aux données empiriques et à l’observation attentive des signes de la nature, les cueilleurs peuvent augmenter leurs chances de réussites tout en préservant l’équilibre fragile des écosystèmes forestiers.

Cet article a été conçu pour guider les cueilleurs vers une pratique durable et respectueuse, afin de s’assurer que la tradition de la cueillette des morilles perdure pour les générations futures.

une énorme morille

190 grammes ! une belle morille.